Burn-Out

Burn out, chut, on n’en parle pas…


En 1969, pour la première fois est évoqué le mot “Burn Out” ou encore syndrome d’épuisement professionnel.

 Auparavant, identifié au sein de certaines fonctions à risques, de par la part d’implication émotionnelle qu’elles comportaient (travailleurs sociaux, enseignants, professions médicales), aujourd’hui le burn out  est admis comme un risque lié au travail tout simplement.

L’Organisation Mondiale de La Santé (OMS) le décrit comme ” un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail”.

J’aime beaucoup les derniers mots “résultats concrets au travail” car en général, ils sont la face visible de l’Iceberg, mais la plupart du temps, personne (et encore moins l’intéressé) ne voit ce qui se cache derrière.

Je vous ai parfois parlé ici de mon départ, il y a un an d’une belle FMCG, de mon envie de me mettre à mon compte et du vrai et ambitieux challenge que je me suis ainsi lancée. J’ai lu les nombreux commentaires des uns et des autres que ce soit ici ou via mes autres plateformes sociales. J’ai remercié pour tous ces encouragements et parfois j’ai saigné. Oui, saigné car pour en arriver là, il aura fallu un déclic. Ce déclic comme on pourrait s’y attendre, ne s’est pas fait dans la joie. Il ne s’est pas fait en un jour. Il est apparu comme la seule solution pour faire face à l’adversité.

En Mai 2014, je change de poste, suite à une restructuration importante au sein de l’entreprise et plus particulièrement au sein du département marketing, le mien. Je ne suis pas très convaincue par ce changement, mais étant donné le contexte (et malgré mes bonnes performances), je m’estime heureuse, chanceuse même. Oui, je suis encore dans le train alors pourquoi me plaindre? J’accepte donc de nouvelles responsabilités avec un poste qui ne me convainc pas mais en me disant que je saurai comme toujours, y faire. Quelques mois après, les problèmes commencent. Ma fin d’année 2014 et mon année 2015 seront ponctuées par une certaine non-performance, malgré de nombreux efforts consentis, une fatigue quasi permanente et des maladies neurologiques de plus en plus fréquentes (sciatiques, vertiges) avec comme corollaires des congés maladies à répétition d’un minimum de deux semaines à chaque fois. Tout ceci intervient dans un contexte personnel assez difficile, qui ne permet pas de me ressourcer, de trouver hors du travail d’autres sources d’apaisement. Comment dire, le travail était la source d’apaisement, et lentement je commence à avoir le sentiment que tout s’écroule.

Plus profondément, je ne me sens plus en accord avec mon travail, avec mes ambitions originelles et avec mes valeurs. Je vends un produit que j’ai toujours trouvé nocif, ayant vécu dans mon entourage proche, les conséquences de son abus. Bien que la société en elle-même soit un univers unique et de haut vol d’apprentissage, cela ne suffit plus à compenser l’inadéquation avec mes valeurs morales. Je le voyais venir, mais j’avais l’impression que ce n’était pas grave. Déjà en Octobre 2013, j’avais lancé un blog “La Bibliothèque Qui Ne Brûle Pas“, pour me rapprocher du sens que je souhaitais donner à ma vie. Je m’y étais jetée la première année à corps perdu, écrivant 5 articles par semaine, dormant en moyenne à 2h du matin, et à ce moment-là, étant encore comblée par mes objectifs professionnels. Cela m’avait permis de trouver un juste milieu mais à quel prix?

Ainsi, dès Mai 2014, cette nomination que je n’avais pas accepté, avait sonné le glas de ma réflexion personnelle sur mon avenir. Mais comment préparer cet avenir? Comment se concentrer quand on doit quand même atteindre la performance? Comment se démultiplier quand on n’a plus aucune force physique? Comment voir l’avenir lorsqu’on arrive à peine à voir le bout de la journée? J’étais en train de devenir une lavette, en apparence très motivée mais de plus en plus inconstante, souvent en retard dans son rendu, de plus en plus irritable, irascible même et comme je l’ai dit plus haut très souvent malade.

En Juillet 2015, une douleur consistante à la poitrine m’alerte. Je suis en plein séminaire professionnel, j’ai heureusement fait ma présentation la veille, et je n’arrive plus à respirer. Toutes les 30 secondes, la douleur me saisit, coupe ma respiration, j’ai l’impression d’étouffer. Je sors de la salle de réunion et je me rapproche du médecin du travail présent. Il cache son inquiétude par des blagues et appelle un cardiologue et me prends RDV pour le lendemain. Je passerai l’une des nuits les plus angoissantes de ma vie. Le cardiologue me parlera le lendemain de “péricardite” en d’autres termes inflammation du péricarde, membrane entourant le cœur. Elle est généralement identifiée comme une des complications rares de la grippe, rendue facile par “le stress”, “la fatigue”.  Après deux semaines d’arrêt, je reprends péniblement le travail à l’étonnement du médecin du travail qui m’avoue que cette maladie nécessite généralement un minimum d’un mois d’arrêt pour éviter toute rechute. Je ferai plusieurs examens cardiologiques, dont ma première radio du cœur. Ce sera mon déclic.

Pensez-vous, trop souvent on entend parler de ces jeunes morts d’AVC, sans jamais avoir montré des signes de problèmes cardiaques. Ce sera le déclic pour une vraie réflexion sur moi, sur mes besoins, mes envies, mes ambitions, mais surtout sur la nécessité d’une aide professionnelle. Cette aide permettra d’établir le diagnostic de Burn-Out, et la nécessité de changer d’environnement professionnel, voire même de carrière.

Quelques mois après, suivra ma décision de partir, de changer de vie, de repenser mes priorités professionnelles. Près d’un an après le diagnostic, je ne suis pas certaine d’être complètement remise. Toutefois, je vois/sens les grandes améliorations. J’ai repris le goût du travail, je fais des choses différentes tous les jours mais qui m’épanouissent, me donnent le sentiment d’apprendre et surtout de ne pas avoir de pression.

Le Burn Out au Cameroun, tout comme la dépression ou tous les maux qui touchent l’âme, restent et demeurent des tabous. On en parle, on ne l’accepte que difficilement et la prise en charge est un parcours du combattant. Le nombre de psychologues reconnus au Cameroun reste limité, et encore plus limitée la part qui est en mesure de faire un diagnostic de burn out. Les entreprises ont du mal à comprendre/accepter cette pathologie et de ce fait accompagner les personnes en souffrance. Au contraire, on s’attarde sur la non-performance, on accable parfois un peu plus le malade d’autant que généralement, il n’est lui-même pas conscient de sa souffrance, et se culpabilise pour son incapacité à délivrer.

De ce que j’ai pu comprendre/lire, il y a des personnes plus susceptibles de chuter. Je citerai notamment les gens passionnés par leur travail, et toujours désireux d’atteindre l’excellence. Eh oui, plus on veut bien faire, plus on a tendance à se donner plus que de raison, jusqu’à épuisement. Les personnes qui évitent de prendre leurs congés de manière régulière sont aussi à risque. Les profils sont nombreux et je crois qu’au final personne n’est à l’abri.

Ce billet vise réellement à ce qu’on se rende compte que

  1. Le mal existe
  2. Il faut qu’on en parle plus, qu’on reconnaisse aux personnes le droit de souffrance
  3. Ce n’est pas une fatalité, ça arrive, ça passe et un jour on avance mais pour cela il faut avoir la chance d’être suivi à temps

J’espère vous avoir aidé/inspiré/édifié. Je ne remercierai jamais assez ma famille, mes amis proches pour avoir été là. Car ça aussi c’est très important.

Un avis,un témoignage, je vous attends avec impatience dans la section “Commentaires”.

Love, Anna♦

19 thoughts on “Burn out, chut, on n’en parle pas…

  1. pour en avoir ete victime je peux te dire qu’on ne s’en remets presque pas. Je souffre d’inattention qd j’écris..

    Il a falu que je prenne quelques jours que je me fasse bichonner massage de plus d’une heure hamman…
    C’est dommage que ce n’est pas vraiment pris en compte chez nous

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  2. Au delà du respect et l’admiration que je te vouais déjà en ta qualité de blogueuse, je viens féliciter la qualité de ta plume, la sincérité de ton propos, l’audace de dénoncer avant les autres un tabou et d’éduquer sur ce sujet. Beaucoup de courage très chère je te suis avec beaucoup d’attention.

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  3. Très bien et surtout très courageux, tu prends le leadership sur un sujet et montre par la même occasion que ce changement de voies que tu as opéré en plus d’être bien pour toi rend la société, notre société meilleure. La question des problèmes psychologiques, ou mentaux reste mal vue surtout vu la délicatesse avec laquelle on traite nos handicapés mentaux. Très édifiant, MERCI.

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  4. Très bon article Anne! Le burn out est effectivement présent dans nos entreprises, notamment celles qui ont des exigences de performance élevées. La difficulté première réside pour moi dans la capacité à l’identifier , ensuite à l’accepter et le prendre en charge. C’est malheureusement un diagnostic que les entreprises nient , soucieuses de préserver ne serait ce qu’en apparence leur image de partenaire de l’épanouissement de leurs employés. Maintenant, dans le contexte économique qu’on connaît tous, combien de camerounais peuvent se permettre de quitter de leur propre chef un emploi relativement confortable sans en avoir trouvé un autre? Cela arrive très rarement. On est parfois tellement occupés à vivre, -survivre- qu’on en oublie de prendre soin de sa vie. Malheureusement! C’est un luxe que ne concederont pas les dizaines de personnes qui vivent de cet emploi ô combien convoité. Il importe de toujours faire passer son être, sa personne, ses priorités avant celles de son employeur . L’idée étant de créer en dehors de l’entreprise, les conditions qui permettent d’y performer (en entreprise). Le travail professionnel bien qu’etant souvent la principale source de revenus, ne représente qu’un aspect de notre vie; parmi tant d’autres si importants et pourtant si négligés . La réalité est souvent beaucoup plus complexe mais ça vaut la peine d’essayer. Encore une fois, très bon article Anne.

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  5. Article très édifiant. Je suis rassurée de savoir que tu te sois remis de ton burn out.
    C’est un sujet qui mérite qu’on s’y attarde, les employés sont de plus en plus stressés.
    Par contre quand tu dis en 3e point de ta conclusion que ca passe et on avance, je voudrais apporter une correction car le burn out peut être fatale dans certain cas d’où une prise en charge et un accompagnement sont très souvent nécessaires.

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  6. super texte #Anna, il pose plusieurs problèmes : jusqu’à quand vendre son âme au D***** pour un business contraire à nos valeurs pour sovegarder le pseudo salaire, Quand savoir qu’il est temps de se mettre à son compte ou passer à un secteur d’activité plus “correct”, Quand faut il se décider de tous abandonné au risque d’y laisser sa peau. .. t’as fait preuve d’un grand courage. Bravo ! !! la sagesse c’est aussi de savoir quitter les choses avant qu’elles ne nous quittent ou nous emportent dans la chute.

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