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Gabon, mon amour de voisin


Lettre imaginaire à ce voisin si proche et pourtant si lointain.

Gabon, mon amour de voisin.

Voilà des semaines qu’une certaine campagne électorale battait son plein dans ton pays.

Voilà des semaines que tu étais devenu subitement le centre d’intérêt du monde et d’une certaine frange de la population africaine en particulier.

Cher voisin, voilà des jours que mes concitoyens, tes chers voisins avaient décidé que subitement ton sort les inquiétait. Voilà des jours qu’ils pretendent t’aimer plus que tes propres enfants et ne pouvaient s’empêcher de faire entendre leurs voix assassines sur les réseaux sociaux.

Pour cette raison mon cher voisin, parce que je n’aime pas les polémiques soi-disant africanistes, parce que je pense que le destin d’un peuple appartient avant tout à celui-ci, je m’étais promis de me taire. J’avais prévu de rester silencieuse jusqu’à la publication des résultats de tes chères élections.

Et jusque-là,  j’avais même prévu de rester silencieuse en dépit de ces résultats. En effet, je ne voulais pas prendre part à cette frénésie d’amour, de passion, d’inquiétude désormais manifestée pour un voisin auquel on ne s’intéresse pas beaucoup en temps normal.

Mais la vie n’est pas ainsi, pauvre Gabon. Dans la vie, on ne choisit pas toujours ses actes.

Mais la vie n’est pas ainsi, pauvre Gabon. Dans la vie, on ne choisit pas toujours ses actes. Dans la vie, parfois les circonstances font les choix à notre place. Ainsi, les évènements qui ont suivi la proclamation des résultats de l’élection présidentielle, ces évènements ont fait le choix à ma place. J’ai ainsi décidé de t’écrire.

Mon Cher  Gabon, mon cher voisin,

Quand je te regarde, je vois un peu de chez nous le Cameroun. Comme nous, tu as vécu pendant plus de trente ans sous la coupe d’un seul homme, de sa famille, de son clan et de tous ceux qu’il a voulu promouvoir. Il a fait le choix conscient de penser d’abord à lui-même, avant de penser à toi, sa patrie et ton peuple. La manne du pétrole a peut-être servi en trompe-l’oeil mais tu n’as jamais pu en bénéficier réellement.

Et puis, ce monsieur (que je ne citerai pas) est décédé et au cours d’une élection assez contestée (comme par hasard), son fils a repris les rênes du pays. En 2016, ça faisait sept ans. Un Septennat qui pour certains de tes observateurs a marqué la continuité de ce système déplorable. Mais pour d’autres (certains de tes fils et filles), il a tout de même marqué une certaine rupture, un certain changement. Pour moi, je ne saurai dire. J’ai lu des articles déplorables, de même qu’un certain livre, mais au fond, seul les habitants d’un pays peuvent réellement y maîtriser la situation. En effet, les médias ont trop souvent, trop facilement recours à la désinformation (dans un sens comme dans l’autre).

De ton président sortant, j’ai surtout vu le côté engagé sur les réseaux sociaux et je trouvais cela différent. Sur lui, j’ai lu un bouquin récemment, et j’ai été très déçue qu’il ne soit en apparence qu’une représentation continue de son paternel. Mais au fond, ce n’est que mon opinion et je ne pourrais porter de jugement hâtif, ni définitif.

Je me suis demandée quand il serait possible d’arriver à une certaine émergence citoyenne et politique en Afrique Centrale, et même en Afrique en général.

Toutefois, je dois avouer que j’ai été marquée par votre campagne présidentielle, que j’ai elle aussi volontairement suivi de loin. Je me suis demandée quand il serait possible d’arriver à une certaine émergence citoyenne et politique en Afrique Centrale, et même en Afrique en général. Je me suis demandée quand est-ce que nous pourrons écouter des débats politiques, centrés autour des idées, du programme, des plans et non autour des personnes, de leur appartenance à tel ou tel clan, et de leur capacité de corruption réelle ou supposée.  En effet, trop souvent dans cette campagne, j’ai entendu parler du besoin de destituer votre président car il n’était pas gabonais d’origine. Je me suis demandée avec amusement si quelqu’un qui était métis et s’appelait tel qu’il s’appelle, donnait une meilleure image du gabonais d’origine. Je me suis demandée pourquoi de ce monsieur, pourtant diplomate émérite, on ne pouvait pas avoir des propos plus constructifs.

Je me suis rappelée que cher voisin, tu souffres économiquement parlant. Je me suis rappelée qu’étant un grand producteur de pétrole, tu ne pouvais qu’être atteint significativement par la crise actuelle du pétrole. Penses-tu, un pays comme le Vénézuela, lui aussi producteur, est aujourd’hui au bord de la faillite. Et j’ai donc pensé, que oui tu devais toi aussi souffrir.

Je me suis rappelée de mes études en France, et de ces gabonais que j’avais rencontré, très intelligents pour la plupart et de l’amour pour leur chez-eux qui était le leur. Je me suis aussi rappelée que certains n’envisageaient pas de rentrer, car ils n’avaient pas l’impression d’avoir assez d’opportunités.

Je me suis rappelée de la campagne présidentielle aux Etats-Unis, de l’amorce de campagne présidentielle en France, et du fait que bien qu’il y avait des attaques personnelles, le débat restait profondément centré autour des programmes des uns et des autres, le débat restait centré autour de ce qu’on voulait donner au peuple, du changement qu’on se targuait de vouloir lui apporter. Dans ces pays aussi, le peuple est parfois trompé après les élections, mais au minimum, des gens ont fait semblant de lui donner tout pouvoir.

Oui, au cours de cette campagne présidentielle, on ne s’est pas donné la peine de vous convaincre, on ne s’est pas donné la peine de vous donner le pouvoir. De mon humble avis, on vous a considéré une fois de plus comme des pantins malléables à souhait, et sans volonté personnelle. Et aujourd’hui, au lendemain des élections, mon cher Gabon, mon cher voisin, j’ai si mal pour tes enfants.

J’ai si mal cher voisin, car une fois de plus, on vous a eu et vous êtes en train de laisser faire. Oui, on vous a eu, deux personnes vous ont vendu leur personne, et en aucun cas, leur programme, leurs actions, leur passif. Deux personnes vous ont vendu comme toujours, des régions, des clans. Deux personnes vous ont parlé d’ingérence, ont une fois de plus appelé dans une campagne politique, le spectre du néo-colonialisme, de l’ingérence internationale et autres fadaises qu’on aurait cru enfin dépassées.

Pauvre voisin, pauvre Gabon, pauvres enfants, vous y avez cédé. Vous voilà dans la rue, vous voilà en train de mettre à feu et à sang votre pays pour revendiquer une certaine victoire. Vous voilà recherchant la liberté, la liberté de choix, mais de quel choix?

Vous me direz certainement, qu’une nouvelle tête, c’est une nouvelle tête qu’à cela ne tienne, et je vous dirai qu’après trente ans de la même tête, je peux très certainement comprendre votre exaspération. Vous me direz certainement que vous souhaitiez au minimum voir respecté votre choix, votre volonté, mais j’aurais envie de vous dire, étiez-vous si sûrs de la victoire? Etiez-vous si persuadés que l’autre clan était si détesté qu’il n’avait aucune chance de passer?

Mon cher voisin, mon pauvre Gabon, mes chers amis citoyens gabonais, votre situation est difficile, j’en conviens. Votre souveraineté vous semble avoir été volé, mais n’oubliez pas que ce soit un choix ou l’autre, cette souveraineté vous filait d’ores et déjà entre les doigts. Rappelez-vous, que ce n’est pas Jésus qui remplace Satan, c’est juste Melchior qui remplace Belzébuth. Prenez garde, à ne pas laisser le sang de vos enfants couler au nom de l’égo de deux individus nauséabonds d’envie de régner. Prenez garde à ce phénomène. Prenez garde car vous êtes les seuls à vouloir vous protéger. Protestez, mais sachez mesurer vos options.

Mon cher voisin, mon pauvre Gabon, mes chers amis gabonais, n’oubliez jamais et surtout pas, que chez vous, (comme chez nous d’ailleurs), une grande frange de la classe politique, ne comprends pas encore cette chose politique. Notez bien que ceux qui se battent, protègent bien souvent leurs privilèges et vous utilisent vous, le peuple, pour assouvir leurs envies et besoins.

Mon cher voisin, mon pauvre Gabon, mes chers amis concitoyens gabonais, prenez garde, oui prenez garde. Prenez les armes si vous en sentez tellement l’envie mais n’en oubliez point les conséquences. Soyez conscients des dommages irréversibles et je prie que ça en vaille la peine. Je prie que quelque soit la personne qui récupère au final le pouvoir, celle-là puisse se rappeler qu’elle a eu cette victoire au prix du sang (même si ce n’est que celui d’un enfant), et qu’il faudra qu’elle vous prenne un poil plus au sérieux.

Mon cher voisin, mon pauvre Gabon, chers amis compatriotes gabonais, n’oubliez pas que dans la vie tout est question de dosage. N’oubliez pas qu’un rêve ne se réalise pas en un jour. Ainsi, si vous souhaitez vraiment accéder à cette liberté pour votre peuple, pour vos enfants, que ces troubles vous servent de passe d’armes. Mais en tout, sachons nous arrêter, sachons nous juger.

Mon cher voisin, mon pauvre Gabon, mes pauvres amis d’à côté, je vous garde en prière. Je vous sens si proches, mais encore si lointain, car chez moi, ici au Cameroun, nous ne semblons pas encore comprendre qu’il faut se préparer. Que chez vous aussi, vous avez manqué de préparation. Chez vous aussi, le réveil a semblé coïncidé avec les résultats des élections. J’espère que chez nous, nous commencerons à comprendre que 2018, c’est maintenant, que l’alternance, le changement c’est aujourd’hui et c’est d’abord changer soi-même. La révolution, ça ne s’improvise pas.

Pour une Afrique différente, pour moins de morts vaines, pour des citoyens plus engagés, pour une violence contrôlée..

Love, Anna♦

11 thoughts on “Gabon, mon amour de voisin

  1. Reblogged this on and commented:

    Tous des pyromanes car ils ont prit le raccourci de se construire au lieu de construire, de s’éduquer au lieu d’éduquer le peuple, de mener le peuple à sa ruine au lieu de construire une nation. Tous des pyromanes en col blanc, prompt derrière des micros à creuser l’abysse de la misère et la pauvreté du peuple.

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  2. Merci Anna. Je partage tes émotions et j’exhorte comme toi les uns et les autres à penser le changement aujourd’hui. Il se construit, il ne s’improvise pas et y pas moyen de le presser dans un verre pour le boire afin de l’assimiler.
    Tous des pyromanes mais les pseudos démocrates qui connaissent les rouages, encore plus dangereux que les autres.
    Les intérêts qui s’accompagnent d’ego démesuré face un frange importante qui manque de culture politique et de civisme on en arrive à ce genre de drame…je me demande toujours comment ils pensent : “Allons détruire et après c’est pour reconstruire, à quel moment on construit ?” tous des pyromanes, surtout les meneurs.
    Les partis politiques ont failli dans la tâche d’éduquer les militants, de transmettre ce savoir de la politique, il faut trouver des alternatives crédibles, penser cette éducation car elle n’est pas une option mais une obligation pour nos nations.

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  3. Tu les aimes vraiment hein!!!! Une longue lettre comme ça ?
    Perso j’avoue que je suis un peu largué… tellement largué que je n’ai su qu’il y’avait des élections que lorsque j’ai entendu quelqu’un demander l’autre jour si les résultats étaient sortis… lol. C’est te dire…
    Après sur le fond je suis d’accord avec un truc, c’est ces morts inutiles pour des hommes qui veulent juste le pouvoir. J’avais eu le même ressenti lors de la crise Ouattara Gbagbo en Côte d’ivoire. Ce d’autant plus que j’y étais à cette époque. Espérons qu’on ne tombera pas dans le même piège. Mourir pour des politiciens, surtout en Afrique, reste jusqu’à preuve du contraire, un sacrifice inutile.

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    1. Beaucoup te diront qu’ils ne meurent pas pour les politiques mais pour eux-mêmes, pour le changement. Mais moi je dis, un homme qui accepte de vous laisser mourir pour démontrer qu’il doit être aux commandes, et représenter ainsi votre choix et qui n’est visible nulle part en route, qui ne se salit pas les mains lui-même au risque de sa vie, ben ce type de changement là en vaut-il la peine? I dunno.

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